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dossier sur la publicité
28 janvier 2008

III. EXPLICATIONS ET INCIDENCES DE CE PHENOMENE

1) Le contexte économique et social :

Le contexte économique et social dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui est le principal facteur de cette tendance à l’infantilisation des adultes et à la responsabilisation des enfants. Par ailleurs, au delà du fait de promouvoir ou d’annoncer des produits, la publicité en France agit directement sur la façon de consommer des foyers.

Depuis quelques années, la conjoncture économique de la France n’est pas très bonne, et les répercutions se font ressentir sur l’ensemble de la population. Ainsi, beaucoup de foyers ont vu leur pouvoir d’achat diminuer de façon assez marquante, ce qui a, tout naturellement, modifié leurs habitudes de consommation. En effet, ils ont privilégié les produits de première nécessité aux produits qu’ils jugeaient moins nécessaires. Un bon nombre de produits est alors passé dans ce que l’on pourrait nommer « la catégorie des produits obsolètes ».

La notion d’achat plaisir a donc été remplacée par la notion de nécessité. Les Français ont ainsi préféré augmenter leur budget nourriture au détriment de celui consacré aux loisirs. C’est un fait marquant, car il est en totale contradiction avec la tendance de ces dernières décennies, qui comme l’annonce la loi Engel (de l’économiste et statisticien Ernst Engel) « plus les revenus augmentent plus la part du budget consacré aux loisirs augmente, tandis que celle consacrée à l’alimentation diminue ». Or, depuis quelques temps cette tendance s’est radicalement inversée, au détriment des achats consacrés aux loisirs, ce qui a fort contrarié les commerçants et les industriels.

Tout ceci a eu de fortes répercutions sur l’aspect social de la France, qui associé à l’instabilité des emplois, la hausse du prix des logements et l’augmentation du coût de la vie n’ont pas épargnés les Français ces dernières années. Pour faire face à toutes ces difficultés, les foyers ont bien souvent dû se priver et cela a quelque peu assombrit leur quotidien, qui est devenu gris et triste, faute de loisirs.

C’est par l’analyse de cette conjoncture que les industriels et les commerçants ont vu en la publicité un moyen de relancer la consommation. En effet, grâce à la publicité, ils ont compris qu’ils pouvaient vendre le rêve qu’il manquait aux Français. Ils ont ainsi lancé l’idée des publicités infantilisant les adultes, afin de leur faire retrouver l’insouciance de leur enfance perdue. Une fois insouciant, la notion d’achat plaisir revenue, les Français peuvent à nouveau consommer à la grande satisfaction des commerçants et industriels.

En ce qui concerne l’aspect de la responsabilisation des enfants, ce phénomène est apparu dans les années 90, avec l’arrivée des nouvelles technologies. L’ordinateur, les consoles de jeu, la plupart des enfants d’aujourd’hui sont nés dedans. Alors que les adultes ont encore parfois du mal à utiliser ces technologies, les enfants, eux au contraire, les maîtrisent à la perfection. Ils ont ainsi développé une plus forte autonomie que leurs parents au même âge, car l’initiation à toutes les choses qui nous entourent, autrefois faite par les parents, est complètement désuète aujourd’hui, puisque le savoir qu’ils peuvent transmettre à leurs enfants est incomplet. Les parents apparaissent donc à leurs enfants comme, pour ainsi dire incapables, surtout que dans biens des cas, ce sont eux qui expliquent à leurs parents certaines fonctions de leur ordinateur. C’est ainsi que l’ont a vu apparaître les publicités jouant sur l’aspect des rôles inversés, de l’enfant qui apprend à l’adulte.

Par ailleurs, les publicitaires voient en l’enfant, depuis un certain nombre d’années, un nouveau consommateur. En effet, maintenant, ce ne sont plus les parents qui choisissent pour les enfants, mais les enfants qui choisissent pour eux même, voire pour toute la famille. Cela se remarque bien pour les jouets : les annonceurs tentent de susciter l’intérêt de l’enfant pour le produit, et non celui des adultes, afin qu’il supplie ses parents de lui acheter le jouet. Cependant, ce phénomène n’existe pas uniquement pour les jouets, mais également et ce de plus en plus pour les produits alimentaires. Dans bon nombre de ces publicités, les acteurs principaux sont des enfants, leurs parents n’étant que des seconds rôles et parfois même que de simples figurants. La nouvelle mode c’est celle de la baby-sitter soumise aux enfants. Dans un cadre général, on peut dire que les publicitaires jouent sur le plan de l’enfant et l’autorité parentale, en inversant catégoriquement les rôles : l’enfant décide, les parents exécutent. Cette notion de responsabilisation des enfants vis-à-vis de leurs parents se retrouve beaucoup dans le mode de consommation. En effet, autrefois totalement passif, l’enfant est maintenant celui qui génère l’achat et qui pousse ses parents à acheter.

Mais un autre facteur est aussi responsable de ce paradoxe entre la responsabilisation des enfants et l’infantilisation des adultes. Ce facteur est la facilité. En effet, depuis quelques années arrive une nouvelle tendance, celle de tout rendre plus facile. Au fur et à mesure que notre société devient compliquée, les personnes veulent de la facilité. Des expressions comme « écoute facile », « shopping facile », « jeux faciles (conviennent aux 2-8 ans) » ou personne aux « mœurs faciles » font la promotion de produits commerciaux taillés sur mesure pour correspondre au temps de concentration et aux goûts des personnes. C’est d’ailleurs au départ ce qui distingue l’adulte de l’enfant : l’adulte peut faire des choses compliquées et l’enfant ne fait que des choses simples. Une fois cette nouvelle barrière tombée, il ne reste plus rien, si ce n’est l’âge, pour distinguer l’adulte de l’enfant.

Par ailleurs, l’idée de plaisir aillant pour ainsi dire disparu, dans le domaine du bonheur, le choix de la facilité suppose que les plaisirs simples l'emportent sur d'autres plus complexes, et donc qu’il est plus simple d’avoir du plaisir et ainsi d’atteindre le bonheur.

On peut donc supposer que les plaisirs simples pouvant passer par l’achat, les publicitaires ont du prouver aux acheteurs potentiels que leurs produits étaient simples. Ainsi, pour parvenir à cet effet de facilité et de bonheur simple, ils ont mis en place une infantilisation de l’adulte dans la publicité : l’adulte retombant en enfance, tout devient alors simple et facile pour lui.

Mais ce phénomène n’est pas sans risque. En effet, il créé de véritables incidences dans la vie quotidienne des personnes, tant au point de vue des relations qu’elles entretiennent, mais aussi au niveau des changements des modes de consommation.

2) Les incidences de ce phénomène :

● Dans les relations parents / enfants :

La responsabilisation de plus en plus précoce des enfants combinée à l’infantilisation des parents modifie considérablement les relations que peuvent entretenir les membres d’une même famille.

En effet, la notion d’autorité parentale se fait de plus en plus mince. Ainsi, les enfants responsables de plus en plus jeunes ne voient plus forcément leurs parents comme les personnes qui décident ce qui est bon pour eux. Le respect des enfants vis-à-vis de leurs parents, auparavant fondé sur ce principe, s’en trouve fortement modifié, et s’amenuise profondément. Ainsi, la nouvelle génération, celle des enfants nés pendant les années 90, n’a plus autant de respect pour leurs parents que ces derniers en avaient pour les leurs, car ils ne voient plus en leurs parents les personnes qui prennent soin d’eux, mais les personnes qui leur achètent ce que eux jugent bon pour eux-mêmes. De ce fait, les parents n’ont plus la même autorité ni la même emprise sur leurs enfants.

Pourtant, cette responsabilisation plait aux parents. Ils sont fiers que leurs enfants soient responsables très tôt, et il en ressort comme une course à ceux qui auront les enfants les plus précoces. On peut donc dire que ce phénomène leur profite en un sens, mais qu’il est toutefois à double tranchant. Que vaut-il mieux ? Un enfant respectueux des valeurs traditionnelles un peu moins indépendant ou un enfant très indépendant respectant moins ses parents ? Ou peut-être qu’un enfant peut cumuler ces deux points : indépendance et respect?

Quoi qu’il en soit, avec la croissance fulgurante des publicités responsabilisant les enfants et infantilisant les adultes, les relations parents / enfants risquent de se modifier encore pendant quelques temps avant de se stabiliser.

● Sur les modes de consommation :

Les modes de consommation aussi se trouvent fortement chamboulés à cause de cette tendance publicitaire qui tente d’inverser les rôles des membres d’une famille.

En effet, à l’origine, ce sont les parents qui décident des achats, car ce sont eux qui gagnent l’argent, et qui, par conséquent, le gèrent également. Ainsi, ils décident de ce qui est bon ou non pour leurs enfants, en leur achetant ce que bon leur semble, sans que l’enfant n’émette la moindre protestation. Ces achats concernaient l’alimentation, les vêtements et les loisirs. Les publicitaires les ciblaient alors dans toutes leurs publicités.

Mais de nos jours, avec l’arrivée du capitalisme, les enfants ayant autant, voire dans certains cas plus de pouvoir que leurs parents, ils sont devenus des consommateurs à part entière. Pour cadrer avec cette nouvelle tendance, ils ont fait des enfants une cible potentielle pour l’achat de leurs produits. Ainsi, les enfants décident à la place des parents de ce qu’ils veulent manger. En effet, bon nombre de publicités pour des produits alimentaires tentent de susciter l’intérêt des enfants pour ces produits, afin d’atteindre les parents par leur intermédiaire. De cette manière, ce sont les enfants qui provoquent l’achat et non plus les parents.

L’impact aurait pu être moindre et se limiter au cadre alimentaire, si en parallèle ne s’étaient pas développés de véritables phénomènes de mode. En effet, l’apparition des « modes » a créé de nouveaux besoins, suscité de nouvelles envies, envies et besoins qui auparavant auraient été considérés comme étant futiles. Mais ce n’est pas le cas. Les publicitaires ont su créer la demande et rendre ses objets nécessaires au bonheur des personnes. De plus, les enfants entrent très tôt dans l’univers des marques, grâce à la télévision, qui est une vitrine perpétuelle. Par ailleurs, les frontières entre catégories sociales devenant plus floues, il a fallu trouver autre chose pour les remplacer. C’est ainsi que ces objets, en particulier les nouvelles technologies, ou encore les vêtements sont devenus les symboles de ce que nous sommes. En effet, les enfants sont avides de communication et d’affectivité, c’est pourquoi, ils recherchent des modèles auxquels s’identifier et les marques renvoient des images et des référents naturels pour eux. Par ailleurs, cette identification par les marques et par ce que nous possédons les touche particulièrement, ainsi que les adolescents, car à cet âge là, ils sont en pleine construction identitaire. Alors si leur milieu d’origine ne leur suffit plus pour savoir qui ils sont, ils consomment pour montrer qui ils sont. De plus, cette manière de consommer estompe encore plus les frontières entre classes sociales, ce qui contribue à une uniformisation de la société et amplifie d’autant plus cette identification par rapport à ce que l’on possède. Ainsi, les enfants veulent les dernières nouveautés en matière de consoles vidéos, de téléphones portables, de marques de vêtements, car sans eux, ils n’ont plus l’impression d’exister, ils se trouvent différents alors que ce qu’ils souhaitent, c’est tout simplement rentrer dans la norme et ressembler aux autres enfants de leur âge et posséder les mêmes choses qu’eux. C’est pourquoi, afin que leurs enfants se sentent bien dans leur peau, les parents doivent leur acheter ce qu’ils réclament, sous peine de passer pour des « ringards ».

Tous ses changements dans les modes de consommation ont des répercutions encore plus importantes. En effet, face à cette frénésie de l’achat suscitée par la publicité, les établissements bancaires trouvent également leur compte. Ainsi, dès l’âge de douze ans, il est maintenant possible d’avoir une carte bancaire, contre seize ans il n’y a pas si longtemps encore.

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